Cyberpunk : définition d’un genre
Souvent confondu avec son cousin le steampunk, peu connu du grand public, le cyberpunk est un sous-genre de la science-fiction des années 1980, apparu en littérature puis repris dans nombre d’oeuvres du cinéma, du jeu-vidéo, du manga… Mais d’où vient le cyberpunk, et comment le reconnaître ?
Les origines du cyberpunk
Les débuts du genre cyberpunk sont assez flous. Le roman de Philip K. Dick, Les androids rêvent-ils de moutons électriques (titre original : Do androids dream of Electric Sheep), publié en 1968, peut en effet être considéré comme l’un des ouvrages précurseurs. Mais il faudra attendre les années 80 pour que le cyberpunk trouve sa place et son nom dans la littérature de science-fiction. Pour la première fois utilisé en 1980 comme titre d’une nouvelle de Bruce Bethke, le terme « cyberpunk » sera rapidement employé pour désigner d’autres œuvres de science-fiction post-moderne, et par la suite, un genre dans son ensemble. Par la suite on pourra citer des auteurs de la mouvance cyberpunk comme Wiliam Gibson (Neuromancer, 1984), Neal Stephenson, Bruce Sterling, Pat Cadigan, Rudy Rucker, et John Shirley dont les oeuvres aideront à définir le genre et à le populariser. Quant à Philip K. Dick, plusieurs de ces créations seront adaptées sur différents médias.
Si le genre est né en littérature, c’est le cinéma qui lui donne une aura internationale et le fait connaître auprès du grand public. Adapté du roman précédemment cité de Philip K. Dick, le film Blade Runner, réalisé par Ridley Scott et sorti en 1982, rassemble les fondements du genre et fait presque office de manifeste pour les années à venir.
Qu’est-ce que le cyberpunk ?
En tant que monument fondateur du genre, le film de Ridley Scott comporte des caractéristiques esthétiques mais aussi scénaristiques qui se retrouveront dans d’autres créations du mouvement cyberpunk, à commencer par le lien homme-machine et l’influence néfaste de la technologie sur la nature humaine.
Entre hommes et machines : cyborgs et androïdes
Le cyberpunk s’attache notamment à se questionner autour de la définition de l’humain et de l’artificiel, et de ce qui les différencie. Cette thématique certes explorée depuis longtemps en littérature notamment à travers l’œuvre d’Isaac Asimov et son Cycle des Robots (publié entre 1950 et 1985), est néanmoins traitée différemment par le cyberpunk qui plutôt que de les distinguer clairement, rend floues les limites entre l’homme et la robotique. En découle généralement une esthétique hybride, mêlant l’Homme à la Machine, par exemple au travers du personnage de l’androïde, défini comme un être robotique dont l’apparence est humaine mais qui n’est pas censé avoir de sentiments. Ce questionnement identitaire est au centre de Blade Runner au travers des Replicants (des androïdes physiquement identiques aux humains). On le retrouvera avec le célèbre androïde du film Terminator (The Terminator, sorti en 1984) et bien d’autres. Au travers de ce personnage est souvent posée la question suivante : le temps ou tout autre paramètre peut-il permettre à une conscience artificielle d’approcher les émotions humaines ?
Dans le cyberpunk, quand ce n’est pas la machine qui imite l’homme, c’est l’homme qui s’en rapproche. Souvent créés dans le cadre de mondes post-industriels, et très souvent post-apocalyptiques, les cyborgs sont aussi très courants dans le genre. Ces humains qui bénéficient de greffes artificielles et électroniques flouent encore davantage cette limite que tend à brouiller le cyberpunk. Contrairement à l’androïde, le cyborg est (initialement) un humain. Dans Ghost in the Shell, manga publié en 1989 et adapté en 1995 en animé, les deux personnages principaux Motoko Kusanagi et Batou, sont des humains améliorés, des cyborgs. Seul le cerveau de Motoko est humain alors que tout son corps est robotique. Autre exemple, le personnage que le joueur incarne dans le jeu-vidéo Deus Ex est également un cyborg, un humain « nanoaugmenté ».
L’univers cyberpunk : un monde dystopique
Le monde dans lequel évoluent les personnages d’un univers cyberpunk se caractérise par son impact négatif sur l’humanité.
Un monde en ruine
Souvent l’univers cyberpunk fait état d’une évolution post-apocalyptique, ou décadente de notre société, et ce dans un futur assez proche. Le début des années 2000 accueille souvent, dans le cyberpunk, une guerre nucléaire ou autre catastrophe technologique qui fait sombrer l’humanité. Ainsi dans l’univers de The Matrix, sorti en 1999, les Machines deviennent si intelligentes qu’elles prennent leur indépendance vis-à-vis de l’humanité et finissent par causer sa perte, dans une guerre qui anéantira la Terre. Les courts-métrages de The Animatrix décrivent, dans une ambiance parfaitement cyberpunk comment les hommes vont à leur perte et à leur asservissement aux Machines. L’univers créé par les frères Wachowski donnera à voir une esthétique que l’on retrouve beaucoup dans le cyberpunk.
Sur Terre, sur Mars ou ailleurs, quelle que soit sa manifestation, cette décadence du monde humain qui transforme en cauchemar le rêve promis par la technologie, est un des leitmotivs du genre.
Société décadente et autoritaire
Dans l’univers cyberpunk, la société est à l’opposé de l’idéal et cela se manifeste de différentes manières.
Omniprésente dans Blade Runner, l’idée selon laquelle le monde de demain est contrôlé par quelques grandes corporations se retrouve dans beaucoup d’univers cyberpunk. Tyrell Corporation dans Blade Runner, Sarif Industries dans Deus Ex : Human revolution, etc. Ces corporations, souvent liées aux technologies, exercent leur influence sur la société et oppressent ou contraignent les humains. Ainsi Sarif Industries profite de la diffusion de ses améliorations cyborgs et de la dépendance à une substance nécessaire à leur acceptation par le corps humain pour exercer son pouvoir sur la société.
Dans une autre mesure, Brazil est considéré par certains comme cyberpunk du fait de l’oppression sur l’homme qu’exerce le pouvoir en place. Adapté du roman d’anticipation 1984 de George Orwell (publié en 1949), ce film développe l’idée que grâce aux technologies de communication et de surveillance, le pouvoir totalitaire peut garder un contrôle sur la société. Ce thème se retrouve également dans plusieurs œuvres cyberpunk. On peut citer par exemple Minority Report (2002) dont le scénario se centre autour de l’idée de contrôle grâce aux technologies (ici grâce aux capacités de mutants) et d’anticipation des actes criminels.
Fascination pour l’underground
Enfin, l’univers cyberpunk est injuste et souvent violent pour l’homme. Les riches ou les pouvoirs (voir les points précédents) maintiennent une société inégalitaire, afin d’asservir la population ou une partie de celle-ci. On le voit dans Total Recall (1990), où les habitants de la planète Mars sont soumis au bon vouloir des dirigeants de la colonie.
De ce fait l’auteur de cyberpunk et l’œuvre cyberpunk se fascinent souvent pour ces reclus, ces rejetés, pour l’underground. Crimes, drogues, gangs et trafics en tous genres sont des supports scénaristiques récurrents, qui rapprochent d’ailleurs souvent le cyberpunk du genre « film noir ». Les créations essentiellement centrées sur ces thématiques, dans un univers moderne voire futuriste, sont ainsi désignés « néo-noire ».
Cette frange underground d’une société dystopique est par exemple au centre du manga Akira, publié entre 1982 et 1989 et adapté en animé en 1988, dans lequel on suit un gang de bikers du futur, dans une Néo-Tokyo corrompue dont les dirigeants complotent au détriment des habitants. De Blade Runner à Matrix en passant par Ghost in the Shell, cette caractéristique se retrouve dans de très nombreuses œuvres cyberpunk. Certains vont même jusqu’à dire que cela fait du Metropolis de Fritz Lang (1928) le premier film cyberpunk.
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